… Chronique spirituelle du quotidien.
Il y a quelques semaines, lors d’une soirée d’initiation à la méditation zen, un participant me demandait « Mais, à quoi voyez-vous que votre pratique de la méditation progresse ? ». Vaste question. Les adeptes du bouddhisme zen rétorqueraient illico en bougonnant « Mais on ne médite pas pour progresser, on médite pour méditer, point barre. »
Ici le lecteur s’interroge sûrement sur le sens d’une telle tautologie : on « médite pour méditer » s’apparente fort à une sorte de Lapalissade spirituelle. Cette sentence a pourtant traversé les siècles et fait chauffer les durites de régiments de moinillons en robe orange. Il parait même — et oui ! — que certains philosophes s’interrogent — encore aujourd’hui — sur un thème proche du précédent : « Suis-je autre chose que le fait même d’être ? »… Mais bon, laissons les philosophes philosopher en paix et les mouches… hum…
Alors, comment savoir que l’on progresse dans la pratique de la méditation ? La réponse la plus simple est la suivante : quand, grâce à la régularité et la fréquence de nos méditations, nos relations aux autres s’apaisent… on touche au but !
Résidant dans un monastère bouddhiste depuis près de 14 années, je suis heureuse de pouvoir vous proposer quelques exemples — tirés de faits réels — pour illustrer mon propos. Et tenter de prouver ainsi, par l’expérimentation in vivo, les bienfaits d’icelle (la méditation).
Le jour où je me suis mise en colère
C’était il y a quelques années. Le soleil dardait joyeusement ses rayons sur les autels bouddhistes du monastère faisant briller les statues de Kannon (déesse de la compassion). Impatiente d’aller pratiquer dans le dojo je décidais d’allumer un bâton d’encens — en passant — sur l’un des autels. Horreur ! Le briquet avait disparu ! Ni une ni deux, je m’élançais à la rencontre de la seule fumeuse invétérée du monastère (une bouddhiste d’avant la Loi Evin) pour l’invectiver sur le thème « Tu peux pas respecter un peu les gens, non ? Il est pas à toi ce briquet ! C’est une communauté ici ! On pratique la CONCENTRATION ! etc.. » Une grande démonstration de n’importe quoi, alimentée par toutes les émotions négatives du moment.
Bien sûr ce n’était pas elle qui avait emprunté le briquet mais le cuisinier. J »en rougis encore.
Le jour où j’ai compris que les émotions passent plus vite si on les laisse tranquille
( Ou en termes bouddhistes : « Ne pas alimenter les émotions perturbatrices »).
Une petite histoire…
Quelques temps plus tard, j’eus l’occasion de vérifier la chose suivante : les émotions qui apparaissent, peuvent traverser simplement le corps et disparaître aussi sec. J’étais ce jour-là, avec mes chats, en partance pour une promenade champêtre ; une de ces balades au cours desquelles on ne sait plus très bien qui promène qui. Une pratiquante de la communauté me lança au passage : « Dis donc, c’est bien, tu as encore le temps de te balader ». Sous-entendu « Pendant que certains travaillent, d’autres vont danser dans les herbages ». Elle avait touché la corde sensible de la culpabilité. Instantanément, je ressenti dans le corps comme un coup de poignard ( en plastique, n’exagérons rien). Mais les réflexes de ma pratique de méditation avaient commencé à s’intégrer : je choisi donc consciemment d’observer cette sensation. De ressentir cette émotion forte dans l’endroit précis du corps où elle était apparue spontanément. De l’observer, simplement, sans rien faire d’autre. Au bout de quelques secondes, le temps pour la queue de la comète de disparaître à l’horizon, le ciel était dégagé et toute émotion envolée. Et j’ai repris ma route tranquillement, en suivant les chatons bondissants.
Note : ma balade avait lieu le jour de repos officiel du monastère… Sachant ceci, la petite remarque désobligeante me fait penser à ces cadres supérieurs auxquels on adresse un « Tu prends ton après-midi ? » lorsqu’ils quittent les bureaux avant 20h…
Arrêter le combat
Dans cette histoire toute simple, les choses auraient pu se passer différemment. J’aurai pu souffrir en silence en ressassant toutes les piques de la personne susmentionnée ( par ailleurs charmante la plupart du temps). J’aurai pu faire la liste de tous les travaux que j’accomplis à longueur de temps dans le monastère (et tenter d’échapper ainsi à la sensation de culpabilité). J’aurai pu faire volte-face et lui lancer à la figure tout ce que je pensais d’elle. J’aurai pu aller me plaindre auprès du responsable du monastère. J’aurai pu la dénigrer auprès des autres pratiquants et soulager ma colère.
En choisissant de prendre conscience de « l’émotion elle-même », le chemin fut à la fois beaucoup plus simple et plus profond : tout s’est libéré sans laisser de trace. En un instant. Et dans la promenade qui suivait, les ruminations ont été remplacées par le chant des oiseaux.
Le jour où la colère a complètement disparu
Ami lecteur qui a poursuivi jusqu’ici : ne rêvons pas ! Quoique nous fassions, les émotions seront là, et c’est une bonne nouvelle. Alors autant apprendre à les connaître et les apprivoiser non ?
To be continued…