Bouddhiste en amour
Une vie bouddhiste
Une discussion joyeuse ce matin au petit déjeuner
Moi : » Chaque fois que je vois passer mon chat, je tombe en arrêt. Comme une sorte d’extase. Le sourire me monte aux lèvres – instantanément – et le temps s’arrête… C’est grave docteur ? «
Une pratiquante présente, gentiment moqueuse : « Kankyoooo… Et le détachement alors ?… «
Un peu plus tard, le jour même, – coïncidence ou synchronicité ? – une jeune femme m’envoie un mail avec la question suivante : » Comment fais-tu toi Kankyo pour aimer sans être attachée ? Ou pour travailler dans cette direction ? … «
Il semblerait que ce soit le thème du jour. D’où ce petit billet. Puisse sa lecture apporter de l’eau à votre moulin, et vous offrir – pourquoi pas – quelques pistes de réflexion.
Et puis – même s’il y a beaucoup à dire sur nos relations avec le peuple animal – j’ai choisi d’évoquer ici l’amour dans le sens de la relation amoureuse, exemples à l’appui.
Passion amoureuse et passion mystique : point de vue bouddhiste
Aimer, à perdre la raison… Aimer à n’en savoir que dire… Vous connaissez sans doute ces vers d’Aragon décrivant à merveille l’état de passion amoureuse.
Les débuts d’une histoire, quand notre cœur bat à tout rompre, quand on analyse chaque mot dans les textos de l’être aimé (et qu’on soupèse soigneusement chaque mot de notre réponse). Quant on met des heures à choisir des vêtements. Quand on tombe en pâmoison devant deux pigeons qui roucoulent etc… Une période bénie – en fait – où l’on ressemble étrangement à un tournesol, entièrement dirigé vers les rayons de notre nouveau Soleil. A ce moment-là… hum… comment dire… pas de grande différence entre un drogué et nous ! Le monde extérieur nous intéresse moyennement, les conversations nous ennuient, à moins qu’elles ne concernent l’Élu et nos activités perdent leur sens. Un état de passion, étudié par scientifiques et poètes de tout poil. Un état de créativité extrême, un peu hors du temps. Un état aussi dont il est bon de sortir, après quelques mois, de peur de se perdre complètement.
Dans la période de passion amoureuse, on recherche la fusion. Ceci pourrait d’ailleurs ressembler à une quête mystique. Mais la différence avec cette dernière est sans doute pour l’amoureux passionné une soif tellurique, gigantesque, irrépressible d’être en présence de l’autre. Une soif bien décrite dans le bouddhisme comme la source de toute la souffrance humaine. Cette soif, tournée vers l’extérieur, emporte l’être » en dehors « , comme un tourbillon. La passion mystique – ou quête spirituelle – l’aspire vers une intériorité céleste, dont la première étape sera le retour à soi, tel quel sans artifice.
" Pourquoi l'amour ? Pourquoi je t'aime ? "
Vaste question. Les réponses sont multiples et le chemin semble long vers une réponse empreinte de sagesse telle que : » Je t’aime pour ce que tu es toi « (et non » Je t’aime parce que tu m’apportes ceci ou cela « ).
Avant cet amour-là, on a toute la panoplie des » amours-médecins » ou » amours de réparation « . Des rencontres qui nous permettent d’avancer, dans la douleur parfois.
Vers l’âge de 25 ans j’ai ainsi vécu un amour de type Pygmalion, complètement envoûtée par un homme, à l’affut de ses désirs et douloureusement consciente de perdre peu à peu le sens de ma vie. Dix mois suspendue à ses lèvres, avant de trouver la force du détachement. Dix mois à chercher en lui la confirmation de ma valeur, jusqu’à comprendre devoir la trouver en moi. Dix mois riches d’apprentissage de la vie, fondateurs pour tout ce qui a suivi.
Cet homme-là – et j’en suis désolée aujourd’hui – je ne l’aimais pas. J’attendais qu’il m’aime. Je l’appelais cent fois par jour mais il n’existait pas. Aussi, en avançant dans la voie spirituelle, est-il bon de se poser cette question : Quel est cet amour que je vis actuellement ou souhaite vivre ? Pourquoi suis-je avec mon compagnon ? Quelle place a réellement l’autre dans notre relation ? Suis-je capable de le regarder vivre avec intérêt et tendresse ?
Aimer et libérer l'autre
Un des préceptes bouddhistes, reçus lorsque l’on entre sur la Voie du Bouddha, est formulé ainsi : » Ne pas convoiter « . Éviter que l’Autre ne soit là pour satisfaire notre désir ou pour combler un manque.
Alors comment faire pour aimer avec » détachement » ? Et bien tout d’abord en s’étudiant suffisamment – à travers la méditation – pour connaître ce manque, l’accepter et le laisser s’évanouir de lui-même. Non pas une fois pour toute (ce serait trop simple !) mais à chaque méditation : Quelque chose me manque. Il y a un vide à l’intérieur. J’ai une sensation de perte… OK. Je l’accepte et m’ouvre à cette émotion, sans combattre.
De cette manière, nous allons prendre notre responsabilité. Et commencer à libérer l’autre de nos attentes, lui rendre toute sa place dans la relation : celle d’un autre, différent, étonnant sans doute, à découvrir et à aimer pour ce qu’il est.
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