PSYCHOLOGIE BOUDDHISTE –
La femme se tient devant moi, campée sur ses deux jambes et m’assène: » Je ne trouve pas ça normal que tu soies en photo et pas nous. C’est injuste. En plus, il y a aussi ton chat… » Je reste coite, complètement désarçonnée par cette attaque imprévisible. L’objet de son courroux est le suivant: une brochure de présentation du monastère zen a été réalisée et j’y figure en photo – mon chat aussi, quelle splendeur ! – mais pas elle. Elle a tourné les talons, le mal est fait : en bon produit de l’éducation judéo-chrétienne, je commence par me sentir coupable.
Et les questions défilent à toute vitesse: quelle erreur ai-je bien pu commettre? Ce n’est pas moi qui ai réalisé cette brochure; je ne suis intervenue à aucune étape de ce projet. Sa colère vient certainement de beaucoup plus loin. Les situations où j’aurais pu faire preuve d’arrogance émergent les unes après les autres, braves petits soldats à la parade de mon orgueil pré-supposé… Stop ! C’est à cet endroit-là, au moment précis où la machine à penser s’élance dans sa course effrénée, que je peux agir, et éviter les prises de tête. Comment ? Suivez le guide !
Naissance de la méthode anti-prise de tête
Autant l’avouer tout de suite : cette méthode n’est pas la mienne. Non. Pour la mettre au point j’ai joyeusement pillé l’œuvre d’un auteur éclairé et patient : Bouddha (avec la certitude qu’il ne viendra pas me faire un procès pour plagiat).
Mais toute méthode ne vaut que par l’expérience concrète qu’on en fait. Et pour cela, quinze années de vie en communauté zen ont tout de l’endroit idéal. Imaginez plutôt : vivre en permanence avec vos collègues de bureau, partager les repas, les côtoyer du matin 6h au soir 20h30, week-end compris. C’est à ce défi que nous sommes confrontés, lorsque nous décidons dans un enthousiasme aveugle autant que transcendant de nous installer dans un monastère bouddhiste.
Heureusement, nous aurons pour nous aider la pratique incessante de la méditation zen et la patience de nos compagnons de route. Car chacun est sur le même bateau, avec la même envie de traverser et d’évoluer, ça aide !
La méthode : un grain de sable dans la machine à penser
Dans l’exemple précédent, l’enchaînement de pensées s’est fait à vitesse supersonique. « On » me reproche quelque chose, je cherche en quoi j’aurai fait une erreur et soudain tout s’emballe ! Trouvant les propos injustifiés, j’envisage uns par uns différents moyens pour rétablir la situation à mon avantage, élabore des scénarios, fomente quelques remarques assassines etc. Tout ceci pourrait durer des heures, à moins… d’un grain de sable!
Dans la pratique du zen, le grain de sable consiste à interrompre le flot des pensées dès son origine, ou – pour les débutants – dès le moment où l’on en prend conscience: reprendre le contrôle de la machine en quelque sorte. De cette manière, le pratiquant retrouve une vision plus large, moins épidermique de la situation.
Comment faire pour arrêter la prise de tête dans l’instant ?
Interrompre le flot des pensées, facile à dire, mais il dispose le plus souvent de la force d’un tsunami. Et pour cause! Notre acharnement mental à trouver une solution, à triturer le problème dans tous les sens trouve son origine dans le besoin suivant : échapper – à tout prix – à l’émotion.
Dans l’exemple précédent, l’émotion suscitée par la remarque de ma coreligionnaire ressemblait à un coup de poignard, suivi d’une grande colère. Une fois identifiée, il est devenu possible de la vivre pleinement, c’est à dire surtout de l’accepter. Accepter l’émotion, équation magique grâce à laquelle son impact en est réduit de moitié, au moins, avant de disparaître.
Mais voyez plutôt: dans la vie quotidienne, vouloir échapper aux émotions semble aussi vain que de convaincre un sénateur du sud-ouest de la violence quotidienne du gavage des oies. Alors, autant apprendre à vivre les émotions telles qu’elles se présentent n’est-ce-pas?
La méthode en pratique
-
Prendre l’habitude d’être connecté à ses émotions, dans la vie quotidienne. Pour ce faire, la pratique de la méditation aide beaucoup.
-
Si possible, s’isoler et ressentir l’émotion présente. L’observer, en devenir témoin, et la laisser disparaître.
-
Au cas où ( dans un premier temps ) l’émotion soit trop forte, apprendre la respiration profonde.
-
Essayer plusieurs fois et… persévérer !