Ci-dessous un extrait de mon prochain livre « Danser au milieu du chaos » à paraître en janvier 2021 aux éditions Flammarion.
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Chapitre 8 : J’ai peur de l’avenir, que faire ?
Préambule dans une salle d’attente
Quelques mots sur l’effondrement
Collapse, effondrement : quézako ?
On ne peut pas échouer avant d'avoir essayé
C’est la phrase magique qui m’a été glissée au creux de l’oreille un matin d’avril. Par qui ? Mon formateur en hypnose conversationnelle, le maître de rhétorique, l’incomparable, le subtil Jean Dupré. Sortant quelques instants de ma sidération climatique, je m’étais inscrite pour un module d’approfondissement en hypnose. J’exerce depuis quelques années ce métier fabuleux d’hypnologue (ou hypnothérapeute si vous préférez, mais ce terme semble vouloir être l’apanage des professions médicales ; le débat suit son cours). Je travaille quelques heures par semaine, entre deux installations de clôture dans les prés et trois cérémonies bouddhistes. Quoiqu’il en soit, la découverte de l’hypnose a été essentielle dans mon parcours de vie : qu’il s’agisse de lâcher d’anciens schémas de comportement ou de tester les limites du corps et de la conscience, la discipline est un chaudron magique ! Chacun peut y trouver matière à explorations et/ou réparations. Là encore, un livre complet n’y suffirait pas et je vais me borner ici à vous parler de ce matin d’avril. Celui-là. Celui au cours duquel la roue de la vie s’est relancée. Il suffit parfois de quelques mots pour dévier le cours des choses.
Ce matin-là, je suis arrivée à mon stage dans un piteux état. Triste comme une roue de vélo sur le bas-côté, éteinte comme une bougie d’anniversaire, amère comme une bière d’Alsace (petite blague atavique). Je me trainais depuis plusieurs semaines, sans goût à rien, mais tentant de faire bonne figure. À l’extérieur quelques sourires de façade, à l’intérieur, du gris, du froid et des mots ternes. Mon modèle du monde avait sauté, mon futur n’était plus garanti.
Avant la prise de conscience climatique, je pensais terminer gentiment mes jours comme je les avais commencés : dans une société confortable, avec de quoi manger, boire et dormir et surtout dans un environnement sans violence. J’ai horreur du bruit, des voix qui s’élèvent, des tentatives d’intimidation. Alors, un monde occidental stable, normé, organisé, dans le cadre d’un État français issu de la philosophie des Lumières : voilà qui avait tout pour me rassurer. Je n’avais pas une seule seconde imaginé qu’il puisse en être autrement. Puis les lectures, conférences, vidéos sur l’effondrement, le collapse, ont fait irruption et changé radicalement ma vision de l’avenir. J’ai d’abord compris que la France – selon la formule de Robert Badinter – n’est pas « le pays des droits de l’homme », mais celui de la « déclaration des droits de l’homme », subtile nuance. Mais surtout qu’en cas de grande crise, énergétique, alimentaire, nucléaire, la sécurité collective n’est pas – mais pas du tout – garantie.
Avec toutes ces découvertes, je suis arrivée à Paris en nageant dans l’incertitude et à contre-courant, avec un entourage restant hermétique à ces thématiques, qualifiées de « catastrophistes ». Triste et solitaire, il ne me manquait plus qu’une casquette et une boucle d’oreille pour jouer les Corto Maltese. Ce matin-là, j’ai donc eu droit à une séance d’hypnose conversationnelle avec « el maestro ». Il s’agit de recadrer notre imaginaire du réel – notre vie intérieure donc – au moyen de mots et de questions permettant de soulever des lièvres et de mettre en lumière les incohérences rationnelles : un pur délice… Sauf pour le cobaye. Dans l’intransigeance de sa démarche, Jean Dupré enveloppe cependant son travail d’une amitié fraternelle et sincère, qui autorise le lâcher-prise. Ainsi, après quelques minutes à peine, j’évoquais un peu honteuse avoir eu l’idée, fugace, de poser mes valises et d’arrêter le jeu de la vie. La séance a continué à l’avenant et au bout de quelques phrases, quelques silences, quelques échanges mystérieux – dans le visible et dans l’invisible – je me réveillais soudain de ma sidération en entendant cette phrase « On ne peut pas échouer avant d’avoir essayé ».
Un électrochoc ! Et la roue de la vie s’est relancée. Certes, au début, elle grinçait un peu mais a vite retrouvé son allure de croisière ou plutôt son pas de course puisque c’est le tempo qui me caractérise.
Et après ? Quelques pistes bouddhistes, économiques et universelles
De retour au monastère, je me suis relancée à corps perdu dans le projet Kibo. J’avais encore – j’ai encore – des lambeaux de nuages gris enveloppant le cœur, mais après les avoir consolés, il s’agissait surtout de reprendre la route, avec détermination. Pour avancer, j’ai pris en compte de nombreux paramètres, une approche systémique faisant la part belle à la pratique bouddhiste, mais pas seulement. Voici donc quelques étapes, propositions, idées, sur le chemin de la résilience, laquelle peut – d’ores et déjà – être intérieure, quelles que soient les circonstances qui se dessinent à l’horizon.
Apprivoiser la peur
Comme vous l’aurez compris dans les chapitres précédents, le travail sur les émotions est une constante de l’enseignement bouddhiste. Intégrer le corps, le ressentir pleinement, c’est accepter de se colleter au réel et aux sensations émotionnelles de tout type. Nous l’avons dit aussi, c’est loin d’être simple, mais l’aventure mérite d’être tentée, ne serait-ce que pour glisser dans nos vies un peu de nouveauté. Et, avec les effondrements qui se profilent ou sont en cours, nous allons être servis ! Le futur commence ici. Inutile d’attendre une catastrophe subite : le désastre est déjà observable pour qui ouvre les yeux. À l’heure où j’écris ces lignes, le thermomètre affiche 12°C. C’est doux, c’est agréable, mais étrange pour une fin décembre, non ? De mon temps, comme disait ma grand-mère, à cette époque on faisait des bonhommes de neige. Avec cette douceur, les hérissons sont sortis d’hibernation. Ils ne sont restés très longtemps dans leur tanière, deux-trois semaines au plus. Et les voici qui pointent leur mignon petit bout de nez. Ils sortent, trottinent et puis ils meurent de faim, faute de vivres à leur disposition. En temps ordinaire – mais l’ordinaire n’est plus – ils auraient hiberné jusqu’au printemps en abaissant leur température corporelle et en puisant dans leurs réserves pour traverser ces longs mois.
En apprenant cela, de la bouche d’un ami de la LPO, je suis triste. Un coup de couteau dans le plexus solaire, une lourdeur, un poids qui soudain voute mes épaules. Et puis, juste derrière, surgit la peur. Elle n’est jamais très loin en fait et s’instille en douceur, comme de petits coups d’aiguilles, pour mettre le corps à vif.
J’ai peur que les gens se battent pour avoir à manger.
J’ai peur qu’on tue mes animaux (chats, chevaux, poules…).
J’ai peur de ne pas avoir le temps d’agir pour créer un lieu résilient.
J’ai peur que les bouleversements climatiques aillent de plus en plus vite.
J’ai peur que la centrale nucléaire de Fessenheim explose.
J’ai peur que l’extrême-droite prenne le pouvoir.
J’ai peur qu’ils utilisent Internet pour nous contrôler et installer un état sécuritaire.
J’ai peur que la bulle financière se désintègre et que l’on se retrouve, comme en Grèce, dépossédés de nos comptes bancaires.
J’ai peur de lancer cet immense projet Kibo et de n’avoir plus d’argent pour nourrir tout ce petit monde humain et animal.
Et puis, rien à voir avec l’effondrement, j’ai peur de ne pas savoir mettre en place une organisation suffisamment respectueuse, évoluée, harmonieuse, spirituelle pour que les gens s’y sentent bien. Ce dernier point étant un très bon thème de thérapie, j’y travaille allègrement.
( A SUIVRE… )
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Et après ? Quelques pistes bouddhistes, économiques ou universelles
Apprivoiser la peur
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La peur comme moteur
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Comprendre et prendre conscience
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