EXPÉRIENCE MYSTIQUE 2.0 –
Dans l’idéal, cette page serait vide. Blanche. Immaculée. Et vous auriez pour consigne de la lire, lentement, en savourant le silence intérieur.
Dans l’idéal, il suffirait du mot « Silence » pour qu’il se fasse.
Dans l’idéal, je n’aurais rien à dire et pourtant nous nous comprendrions.
Mais bon, dans l’idéal nous n’y sommes pas encore. Et malgré mon indécrottable optimisme il semble que quelques étapes soient nécessaires pour atteindre ce but ultime: le merveilleux silence intérieur. Vous savez cette sérénité à tout épreuve, grâce à laquelle une conférence sur le droit administratif devient supportable, cette paix profonde capable de faire naître un doux sourire à l’écoute des sempiternelles lamentations de votre collègue dépressive. Le Graal!
Ou presque, car depuis des millénaires des sages de toutes obédiences se sont concertés pour nous livrer les clefs de ce silence. A l’ère du web 2.0 et du « bonheur en 3 clics » les voici résumées pour vous, en quatre étapes, profitez-en!
(à toute fin utiles et sans vouloir ruiner l’ambiance, ces quelques mots n’auront aucun effet s’ils ne sont pas expérimentés… pour de vrai ;-) )
Première étape: identifier l’objet
Oui, de quoi s’agit-il à la fin? De quel silence parlons-nous (si je puis m’exprimer ainsi…)? Commençons par ce qu’il n’est pas. Le silence n’est pas une absence de pensées. A moins d’avoir un électroencéphalogramme plat, ce qui est plutôt mauvais signe vous en conviendrez, votre cerveau pense. De façon très élaborée, il produit des images, des sons, des sensations physiques. Une sorte de film ou de conférence permanente dont la source demeure à ce jour inconnue. Ce que nous cherchons donc n’est pas un silence complet à l’intérieur mais plutôt un espace plus vaste, une meilleure circulation des données.
Imaginez nos pensées enfermées dans notre tête comme dans une machine à laver en mode essorage, à 10.000 tours minute. Ne serait-ce pas agréable de la faire passer en « programme laine »?
Avec des pensées qui émergent certes, mais aussi beaucoup d’espace entre elles, comme des silences sur une portée musicale.
Deuxième étape : évaluer les dégâts
Comment pensez-vous? Combien de pensées émergent chaque minute ? Les anciens textes bouddhistes parlaient de 60.000 par jour (et oui !), les expérimentations récentes semblent le confirmer. Et vous? Pour le savoir, asseyez vous dans un endroit calme, baissez le regard pour apaiser les yeux, et concentrez vous sur ce qui apparait. Au bout de quelques minutes vous allez commencer à voir, entendre ou ressentir vos pensées. Et leur rythme d’apparition.
C’est sur ce rythme que vous pouvez agir, selon différentes méthodes.
Troisième étape : tester les méthodes
- Il s’agit tout d’abord de sortir d’une sorte « d’enfermement intérieur » ou -pour reprendre la métaphore ménagère- d’ouvrir le tambour de la machine à laver. Puis d’installer vos pensées à l’air libre, en plein vent, pour les aérer. Pour cela, c’est tout simple: ouvrez les yeux. Regardez autour de vous, contemplez le panorama, quel qu’il soit, de façon vaste. Élargissez votre regard pour sortir d’un focus délétère sur vous-même. Le changement de point de vue obtenu a pour vertu de créer une sorte d’ouverture intérieure. Attention tout de même : on y prend goût!
- Pour changer le rythme cérébral, apaiser l’esprit, vous pouvez également faire un travail avec votre respiration. Et notamment grâce cet outil incroyable, disponible n’importe où et n’importe quand: l’apnée. Voici l’exercice : inspirez profondément, faites une apnée de 10-15 secondes (arrêter avant de devenir tout rouge) et expirez lentement en retenant le souffle avec le son « ssss ». Trois ou quatre séries suffisent pour retrouver le calme intérieur, vous pourrez le constater.
- Impossible de rédiger cet article sans évoquer LA pratique essentielle, à même d’installer un silence durable et profond dans votre vie: la méditation. Vous trouverez une séance complète, guidée et surtout gratuite sur mon blog, en MP3.
Quatrième étape: offrez votre silence
C’est finalement cette étape la plus importante… et la plus généreuse. Beaucoup de personnes en effet déversent sur le monde des flots de paroles du matin au soir. Avec sans doute l’idée sous-jacente que leur tête va se vider à mesure que les mots sortent et qu’ils vont retrouver leur calme. C’est faux. L’énergie de la parole a tout d’un tonneau des Danaïdes. Plus vous parlez, plus les mots s’élancent avec énergie à la conquête du vide.
Alors, l’un des moyens les plus efficaces de retrouver le silence intérieur semble être d’installer en miroir le silence extérieur, le silence des mots. Des générations de moines et nonnes en ont fait l’expérience dans les monastères. Aujourd’hui, la mode des retraites en silence se développe un peu partout. Alors, pourquoi ne pas vous programmer des plages de silence? Des trajets en bus à ne rien faire, les yeux levés. Des minutes de marche dans la rue le nez au vent. Des repas du soir – ou du midi – seul, en silence, en savourant chaque bouchée.
Bonne pratique !