« Alors les amis, prêts pour l’aventure ? » Nous sommes début décembre dans un petit monastère zen d’Alsace. Devant moi, trois hommes, citadins pur souche, se tiennent au milieu du couloir avec leur bagages à leur pieds. Ils viennent d’arriver pour la traditionnelle retraite en silence qui se déroule chaque année, aux alentours du 8 décembre, dans de nombreux temples bouddhistes de France et de Navarre. Les participants sont de tous âges, de toutes classes sociales avec pour point commun l’envie de passer quelques jours hors des sentiers battus. Car délaisser volontairement, pendant une semaine, portables, courses de Noël et autres BFM pour se couper du monde, requiert à la fois une solide motivation et l’intuition que la sérénité n’émergera pas d’une cure de wellness.
Alors les voici : motivés et légèrement inquiets. Ils ont pris le strict minimum et passeront l’essentiel de leur temps dans la salle de méditation. En silence. Le regard posé vers le bas. Concentrés sur la respiration et conscient de toutes les pensées qui apparaissent, ou presque. Ils prendront leurs repas en silence, dormiront en silence, boiront leur thé en silence. Sept longues journées au calme… sauf si le mental fait des siennes comme nous pourrons le voir un peu plus loin !
Mais pour l’instant… chuuuuut…
Quelques jours plus tard, la traversée est accomplie. Je retrouve mes potes, le sourire aux lèvres. Contents que se soit terminé bien sûr, mais contents surtout d’avoir réussi l’un des plus grands challenges que le monde ait porté : rester face à soi-même pendant sept jours !
« Alors ? Heureux ? » Quatre sourires épanouis me font face. Après l’atterrissage, les témoignages vont bon train. Chacun a vécu une histoire très personnelle. Mais voici quelques expériences partagées par tous, juste pour vous lecteurs :
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Le temps est à géométrie variable
Sept jours face à un mur en méditation, c’est sûr, c’est long ! Pourtant, mes cobayes témoignent unanimes : à un moment donné, le temps disparaît. Seul demeure un magnifique Instant Présent. Posé là. Comme un papillon sur une bulle d’eau. Et là, les mots disparaissent… ( note : le silence semble avoir pour vertu d’inviter l’invisible au festin de la vie… Quelle merveille ! )
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Les émotions finissent par passer
On aura tout vécu : colère, ennui, joie mystique, tristesse, dépression, énervement… Et pu constater que chaque émotion a une durée de vie limitée. En partant du principe qu’une émotion est avant tout un ressenti physique, celui-ci peut passer très vite, à condition de ne pas y réfléchir. Arrêter d’analyser, de rejeter, de chercher des solutions… et l’émotion circule à nouveau librement, avant de disparaître.
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On a échappé à la mort de Johnny
Mais surtout aux tombereaux de témoignages, souvenirs, polémiques générés par son décès. Car après coup, un départ est toujours triste. Alors, au sortir de la retraite en silence, une pensée pour Johnny, parti sur l’autre rive… Puisse-t-il chanter avec Elvis, au coin d’un nuage…
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C’est quand la prochaine ?
Autant certains moments ont été difficiles, autant l’envie générale au sortir de ces jours en silence est la suivante : on recommence quand ? Comme si les difficultés s’effaçaient pour laisser la place à cette idée: assis, en silence, sans rien faire de spécial, on est vivants, comme pour la première fois !