Combien faut-il de maîtres bouddhistes pour changer une ampoule ? Cette fameuse question circule régulièrement dans les centres de pratique de France et de Navarre, faisant les délices des pratiquant en goguette. Alors ? A votre avis ?
Quatre ! Un maître pour changer l’ampoule, un pour ne pas la changer pas, un pour la changer ET ne pas la changer, et enfin ( accrochez-vous ! ) un maître pour ni la changer, ni ne pas la changer.
L’histoire ne dit pas si l’ampoule fonctionne à la fin – fiat lux ? – mais aura le mérite de stimuler nos petites lumières intérieures. Elle fait référence, vous l’aurez compris, à cette fameuse méthode analytique, le tétralemme ( le dada du maître philosophe indien Nagarajuna ) sensé faire éclater les cadres de réflexion ordinaires. Efficace n’est-ce pas ?
Alors, travers cette forme d’effraction mentale, de rupture logique, c’est tout le chemin des questions sans réponse qui commence à se dessiner devant nous. Une voie sinueuse, tortueuse, inquiétante parfois mais tellement fascinante ! Cette ampoule ni allumée ni éteinte ( voir plus si affinités ) ouvre tout simplement les portes de la conscience, sans interrupteur. Elle symbolise l’enjeu de la pratique bouddhiste, au sens large : une toute petite ampoule, capable d’inviter l’illimité au festin de la vie !
… telles étaient les pensées qui traversaient mon ciboulot au début de la dernière retraite en silence. Le premier jour, en effet, mon « univers mental » ressemblait à l’hémicycle de l’Assemblée Nationale en séance plénière. Pour ou contre, ni pour ni contre, ni ni etc… Ca discutait, papotait, râlait, en contradiction absolue avec le thème de la retraite ( le silence ) mais en harmonie totale avec cette notion-clé du bouddhisme « Vous n’êtes pas vos pensées ». Ce dernier concept procurant d’ailleurs un soulagement notable car – pour tout vous dire – je n’étais pas complètement d’accord avec l’ensemble des idées émergeant des limbes…
Et puis soudain – au milieu de tout ce chaos – quelque chose est apparu pour mettre tout le monde d’accord. Ce quelque chose, cette petite magie, a surgi par hasard, en mode furtif, au milieu des débats. Insérée délicatement, entre deux idées foisonnantes ( autant qu’inutiles), une sensation toute douce, là, au creux du ventre a commencé à prendre de plus en plus de place. Une sensation infinie, réconciliant l’intérieur et l’extérieur : la fée respiration. Capable d’ancrer dans le moment présent le plus agité des traders, elle s’est tranquillement installée dans l’anfractuosité du temps, déployant dans son sillage des myriades d’étoiles… silencieuses…
( Article initialement publié dans le magazine Sagesses Bouddhistes.)
En illustration une magnifique photo de » Alain Guerquin photographe « .
Programme des retraites spirituelles : https://kibo-zen.org/formation-retraites/