« Hé wesh… Kung-Fu Panda ! Ça va ?… » Je suis dans le métro et deux jeunes hommes m’interpellent en rigolant.
« Ça va, merci et vous ? » répondé-je en me fendant la poire.
Les deux olibrius sont hypnotisé par mon vêtement de nonne bouddhiste : robe aux longues manches flottantes, kimono col croisé, mala et sandales. Le parfait look de moine Shaolin dans les films de kung-fu ! Alors, malgré mon air de Bouddha paisible – spécialement mis au point pour les transports en commun – mon vêtement impressionne. Les deux compères se détournent d’ailleurs rapidement, un peu penauds, sans prendre le risque de me voir réaliser quelques voltiges combatives à travers le wagon. On ne sait jamais.
Et c’est le sourire aux lèvres que je reprends mon activité favorite : écouter les sons du monde. Me voici donc, méditant dans la rame de métro, les esgourdes ouvertes au quatre vents, technique sans pareille pour se reconnecter au moment présent. Souvent, mon esprit s’échappe dans l’analyse, le jugement, la réflexion et très vite – hop ! – je le ramène aux bruits qui se succèdent, les uns après les autres, dans le paysage sonore : un crissement de freins, les portes qui se referment, la sonnerie qui précède, ou les annonces dans le haut-parleur. Chaque son est une porte ouverte vers l’instant dans son incandescence… même au milieu du métro.
On imagine souvent devoir attendre le moment propice pour – enfin ! – pouvoir méditer. Un jour : quand les enfants seront grands, quand je travaillerai à 70%, quand j’aurai terminé ce projet, quand je serai en randonnée dans le désert marocain, je pourrai enfin me reconnecter et me « poser ». Un jour…
A force d’attendre ces conditions idéales, les autres journées, celles de maintenant, passent inhabitées : une vie à attendre le bon moment pour vivre.
Alors sur ce strapontin, j’écoute la vie, intensément, revêtue de mon habit de nonne. Ce vêtement, c’est un vrai bonheur : le camouflage idéal pour méditer dans les lieux public. Je me tiens assise, bien droite, les yeux inclinés vers le bas et laisse le souffle traverser le corps. Les gens passent, regardent furtivement et reçoivent – peut-être, qui sait ? – quelques grammes de silence, en filigrane. Je porte la robe de nonne pour diffuser un peu de calme dans la tempête, de simplicité, de décroissance et de présence.
Mon projet est terriblement subversif, avouons-le : être, au milieu des villes, un signe spirituel ostentatoire et décalé, glissé entre une publicité pour des vacances à Tenerife et un rapport de l’ONU sur les migrations climatiques.
Mais plus encore : pour échapper à la catastrophe annoncée, j’aimerais que nous tous, citoyens du monde, nous installions pour méditer, ensemble. Pour méditer partout : sur les bancs du métro, des facs, de l’assemblée nationale, des conseils d’administration des entreprises du CAC 40… Ainsi, nous réduirons notablement notre empreinte carbone et prendrons le temps de voir passer les heures, faute de pouvoir rattraper le temps perdu.
Apprendre à méditer : https://www.helloasso.com/associations/kibo/evenements/pratiquer-au-milieu-du-chaos-meditation-zen-online-mars-avril-2023
Vidéos : https://kankyotannier.org/bookings/meditation-cours/