Le texte ci-dessous a été écrit à l’occasion du colloque » Un dojo zen dans la ville aujourd’hui » organisé au temple zen de La Gendronnière en décembre 2017. Le premier matin du colloque, une trentaine de responsables de dojos et/ou pratiquants impliqués ont été invités à témoigner de leur expérience. Chacun avait précédemment reçu une liste de questions, avec l’idée de traiter l’une ou l’autre. Je me suis concentrée sur le thème suivant – à mes yeux crucial – : un moine/nonne doit il être visible au coeur des villes aujourd’hui ?
Vous retrouverez ci-dessous quelques éléments de réflexion. Il s’agit d’un simple témoignage, une expérience de vie, qui n’a pas vocation à prétendre à l’universel. Bonne lecture !
Devenir un signe spirituel ostentatoire
(Note au lecteur : l’usage du mot « ostentatoire » est une référence humoristique à ce débat récurrent de la société française sur le thème de la visibilité données aux religions dans l’espace public )
Je m’appelle Kankyo Tannier et suis nonne bouddhiste de la tradition zen, disciple de maître Olivier Reigen Wang-Genh. Je vais aborder aujourd’hui la question « Les moines et nonnes doivent-ils être visibles dans les villes ».
Depuis deux ans, j’ai fait le choix de porter en permanence des vêtements « monastiques ». La plupart du temps en samue. Lorsque je voyage, donne des conférences ou rencontre des médias, je porte un naga-samue : une sorte de kimono avec manches-boules, qui se met au dessus du samue. C’est un choix de vie assez particulier, qui demande réflexion, et qui est le fruit d’un long cheminement.
Pourquoi ce choix ?
Depuis 2001 je me suis installée au monastère Ryumonji, à côté d’une grande forêt. Pendant cinq ans, j’ai aussi loué un pied à terre à Strasbourg pour y travailler. Le contraste avec la vie monastique aidant, j’ai été frappée par la chose suivante : en centre ville, lorsque je sortais de chez moi, la seule chose qui apparaissait dans mon champ visuel était… des magasins ! Des choses à acheter, de la consommation. Aucun signe spirituel, aucune vision du monde un peu plus élevée ou poétique.
Et puis en 2009, j’ai eu la chance de devenir administratrice de l’Union Bouddhiste de France et de rencontrer des moines, nonnes, lama, vénérables des autres traditions bouddhistes. J’ai beaucoup posé de questions sur leur engagement quotidien, leur pratique, leur positionnement par rapport aux laics etc. Un certain nombre d’entre eux – pas tous – ont fait le vœu de porter des habits religieux en permanence.
Alors, après longue réflexion, après en avoir discuté avec mon compagnon, j’ai commencé à intégrer cette pratique.
Les effets au quotidien
Les effets ont été immédiats et plutôt inouïs !
Ce vêtement ainsi que la tête rasée m’oblige tout d’abord à un comportement éthique et réfléchi : une véritable aide pour la pratique !
Et puis, lorsque je me déplace, de très nombreuses personnes viennent me parler, poser des questions ou simplement partager des difficultés de leur vie. Je les écoute, sans forcément amener de réponse, mais en écoutant vraiment, avec toute l’attention que présuppose mon engagement spirituel.
Comme je suis également visible sur les réseaux sociaux, je prend également beaucoup de temps chaque jour pour répondre aux messages, indiquer des lieux de pratique, des ressources etc. Sur internet également, les personnes me contactent en tant que nonne bouddhiste, parce que mes habits et le contenu des publications invitent à ce type de relation ( www.dailyzen.fr )
Alors, pour résumer, je crois avec ferveur à la nécessité d’offrir au monde des visages – visibles – de spiritualité au quotidien, qui permettent de faire contrepoids à la dérive consumériste de notre société. Et qui donnent – peut-être – une image plus poétique du « sens de la vie »…
Je suis à votre disposition pour partager sur ce thème : voir formulaire de contact ci-dessous.
( Note : j’évite en général l’usage du mot « religion » et préfère celui de « spiritualité »… moins connoté ).