Il est des rencontres qui ne nous laissent pas indemne. Des échanges au cours desquels les étoiles elles-mêmes se mettent à danser. Des mots qui traversent les âges et ré-inventent le passé.

Ma rencontre avec Jeanine Boitel fut de celles-ci. Inattendue, magique, et profondément spirituelle. Dans les années 70, Madame Boitel avait accueilli en France un moine de la forêt d’origine laotienne, le Vénérable N. Elle l’avait guidé dans les méandres administratives des services de l’Etat, aidé à fonder son monastère de Tournon, puis secondé inlassablement années après années. Madame Boitel était une femme de tête, elle savait exactement ce qu’elle voulait.

Elle n’avait jamais pris les voeux de nonne afin d’aider plus efficacement le Vénérable. Dans la tradition de la forêt en effet, moines et nonnes ont des voeux très stricts rendant beaucoup d’actions de la vie quotidienne difficiles ( simplement toucher de l’argent leur est interdit). En renonçant à l’ordination, Jeanine Boitel avait manifesté, sa vie durant cet idéal du Bodhisttava dont parlent les textes bouddhistes : faire passer tous les êtres avant soi sur le chemin de l’Eveil.

A l’été 2008, nous nous sommes rencontrées lors d’une Fête du Bouddhisme, à la Pagode de Vincennes ( Paris). Elle y était également bénévole et administratrice. Les jardins grouillaient de visiteurs et de tentes colorées. Dans la Pagode, des cérémonies se succédaient alternant les prières de différentes tradition. Un mélange de ferveur et de gaité régnait dans l’air.

Ce jour-là, assises l’une à côté de l’autre, nous avons longuement discuté. A un moment donné, elle a prononcé ces phrases : « Je suis une vieille dame, ma vie va bientôt se terminer. Mais je dois vous dire ceci : Continuez, continuez à être nonne, c’est merveilleux ! « .  Au regard du parcours de cette femme d’exception, ces mots sonnèrent comme un tambour.

A l’automne, elle était partie…