Ma belle princesse est passée hier sur l’autre rive. Depuis la veille au soir, je l’avais installée sur un petit lit doux et confortable, avec un oreiller sous la tête. Elle est partie doucement, lentement, intensément présente à cette vie qui s’effaçait en elle. Pour s’en aller, elle semble avoir attendu ces 5 minutes où je me suis absentée. Quelques moments plus tôt, des moines et nonnes du temple étaient venus s’agenouiller à son chevet pour lui dire aurevoir.

Au revoir Lala et surtout merci pour tout ce que tu as su m’enseigner par ta présence vibrante. Merci pour ta vivacité et ton élégance. Pour ta distance juste et pour ton amour, de loin. Tu demeures pour toujours souveraine et indépendante.

Photo : Stanislas Wang-Genh

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Lala m’a inspirée dans mes livres. Ici un extrait de  » Ma Cure de Silence  » ( Editions First ) paru en 2017.

 » Chapitre 2 : Les grands silencieux « 

Lala et l’instant présent

Mais je n’ai pas terminé avec le monde animal… L’inspiration qui en émane est telle qu’elle mériterait un livre entier ! Que de plus splendide en effet que d’observer un chat à sa toilette. Chaque matin, au réveil j’ai pour mission de nourrir les deux petites boules de poils noirs qui partagent ma vie : Lala et maître Yoda ( dont la sagesse n’a rien à envier à l’original ). A peine le repas terminé, les voici qui se lèchent soigneusement le corps des pieds à la tête, dans un ordre précis, avec une souplesse que leur envierait le plus avancé des yogis. Pattes avant, pattes arrières, ventre, flancs, visage… tout y passe avec minutie. De bon matin donc, j’ai pris l’habitude de me lever beaucoup plus tôt pour déguster un café en contemplant leur toilette.

Assise là, auprès d’eux, il me semble assister à une danse primitive : lente, sauvage, avec une chorégraphie venue du fond des âges. Toute leur concentration est dirigée vers leur activité du moment. Il y a parfois des petites pauses – un son attire leurs attention – mais ils reprennent aussitôt leur manège. Leurs mouvements sont d’un calme olympien. Tout est là. Ainsi, dès le petit jour, ces instants de «  café-spectacle » diffusent un message que ne renierait pas le plus avancé des maîtres zen : «  Soit concentrée ! Atèle-toi à ta tâche avec la même intensité ! ».

L’intensité. C’est le mot idéal sans doute pour définir cette attitude de concentration dont les chats font preuve pendant la toilette. Mais telle n’est pas la seule couleur sur leur palette de petits impressionnistes. Parfois, la nonchalance donne une toute autre atmosphère à leur vie féline. Les déplacements se font langoureux, interrompus ici et là par quelques séances de stretching ou autres griffage de murs. L’heure est à la lenteur. Lala, ma petite chatte noire aux yeux verts, est une experte. C’est d’autant plus remarquable qu’ elle pourra l’instant d’après bondir de son lit le poil hérissé pour avoir vu une ombre. Mais là, voici qu’elle ondule avant de se coucher, qu’elle tapote ses coussins avant de bailler profondément. L’ambiance est franchement coooool… C’est donc l’heure du repos. Le maître bouddhiste zen Taisen Deshimaru ( 1914-1982) l’avait exprimé à sa manière dans une calligraphie au message limpide : « Il est parfois utile de se reposer ». Quelques idéogrammes posés sur une feuille avec au beau milieu : un gros matou assoupi !

Ces divers épisodes en compagnie des chats ( ou des chiens) nous invitent certainement à observer davantage la nature. D’elle nous pouvons apprendre à recevoir des messages de concentration, de lenteur et de respect de nos rythmes naturels. Et pour ce faire, quelques jours en forêt ou en montagne sont des plus salutaires. Le temps change, le silence commence à se déployer et autre chose apparait, sous la surface.

Mais, quand les jours s’enchainent dans le rythme effréné du fameux « métro-boulot-dodo », ce n’est pas toujours possible. Alors comment faire ? Pourquoi ne pas davantage étudier nos chats, nos chiens ou nos chevaux ? Et, si vous n’avez pas la chance d’avoir près de vous des petits ( ou grands ) compagnons de route, pourquoi ne pas regarder des reportages, lire des livres d’éthologie, étudier la vie des animaux qui vous plaisent ? J’ai dans ma bibliothèque une bonne trentaine d’ouvrages sur la « vie des bêtes », depuis les abeilles jusqu’aux loups en passant par les cochons et, croyez moi, c’est fascinant ! Outre l’aspect de la connaissance, les animaux sont comme des passeurs, des guides pour notre retour à la Terre. Dans nos ville de béton, accéder au monde sauvage du chien ou du chat est peut-être un premier pas vers une reconnection : nos retrouvailles nécessaires et programmées avec la Nature.

Voir un univers dans un grain de sable,
Et un paradis dans une fleur sauvage,
Tenir l’infini dans la paume de la main,
Et l’éternité dans une heure.

(William Blake)